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13 novembre 2013

moi, je ne donne plus sur la cour

Il y a parfois des hasards qui se transforment en moments de grâce. Il suffit qu’un animateur télé fasse de la promotion qu’on n’écoute que d’un œil et qu’on ne regarde que d’une oreille pour être distrait de ce qu’on faisait d’autre et avoir l’attention captive. C’est ce qui m’est arrivé, l’autre dimanche soir. Alors que j’attendais des choses plus amusantes avant de manger la pizza dominico-vespérale, j’ai été happé par ce nom, ce titre et cette information. Je me suis empressé d’aller consulter un site de vente en ligne dont je ne peux pas dire le nom pour ne pas lui faire de pub. Je peux juste dire que ça commence par Ama et que ça finit par Zon (ça se prononce ‘zone’) mais je dis ça, je dis rien. Et ainsi, je le mets dans mon panier mais sans intention de l’acheter là. Non, ça me permet de le garder en mémoire et le jour où je suis décidé, je relève les noms, les auteurs, les interprètes des livres, des disques qui m’ont interpelé à un coin de magazine au dans l’arrière-boutique d’une émission de télévision et je m’en vais éventuellement les acheter ou les emprunter à la Bibliothèque. Surtout pour les disques, cette dernière. J’ai du mal à lire des livres déjà tripotés par des inconnu(e)s, en règle générale. Alors, je les achète, bien souvent.  

Je les achète mais la plupart du temps, je ne les lis pas tout de suite. Ça me rassure de les avoir achetés rapidement comme ça, je peux les sortir des listes qui encombreraient ma tête, sinon. Et parfois, dans les deux ou trois jours qui suivent, éventuellement le temps de terminer celui que j’ai en cours, je les emporte dans le tram avec moi pour aller travailler et en revenir. Et je les lis. Ou je les dévore. Mais parfois, il peut se passer plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années avant que je ne me décide, par hasard ou parce que j’y repense subitement et il m’arrive donc de faire de jolies découvertes dans les étagères de l’entrée de l’appartement. Sauf que là, sortant d’un thriller très puissant, qui m’a enthousiasmé, j’ai voulu changer de genre de façon radicale et me mettre à celui dont je parlais sans le nommer au premier paragraphe. Un petit livre d’environ deux cents pages. Je l’ai mis dans mon sac depuis deux jours mais il n’y a que ce matin que j’ai tenté de l’ouvrir. Je dis ‘tenté’ car j’avais un tel mal de tête, une telle graine dans le crâne que j’ai pensé ne pas y arriver. Et pourtant, j’ai été capturé dès les premières lignes. Un véritable bonheur d’écriture et d’idées. Ce n’est ni de la grande littérature, ni de la philosophie, non, c’est comme un journal écrit par un jeune fougueux de la plume.

Et je me suis oublié dans ses pages. Je me suis abandonné à ses mots. Je me suis collé à lui. La première phrase du livre m’a transporté dans un plaisir sans nom et ça a continué avec la suivante :

 « Je n’avais aucune idée de la mélancolie que pouvait m’inspirer un ciel de fin d’été, si bleu soit-il.

Le silence est trop lourd quand on attend quelqu’un, certain que cette personne ne viendra pas, ou pas vraiment. »

Et il y en eut d’autres, encore et encore. Je me suis baigné dans les eaux douces de ce jeune auteur. Je me suis vautré dans les lignes écrites de ses mains. Je me suis mis à sa place. Je lui en ai un peu voulu d’être si talentueux et d’avoir osé ce que je n’ai moi-même jamais osé ailleurs que dans mes rêves les plus fous. Et ce début de page 7 que j’ai relu trois fois consécutives : 

« Un jour, elle disparaîtra. Est-ce qu’on oublie la voix de sa mère ? Son odeur ? J’ai l’impression que les morts ne laissent qu’une silhouette dans la tête des vivants. Ma mère ne sera jamais une silhouette. Je n’aurai pas peur de ma mort tant que j’aurai peur de la sienne. »

Une claque dans la figure. Non pas pour me faire mal mais pour me réveiller. Pour me rappeler que moi aussi, j’aurais pu. Sauf que moi, je ne l’ai pas fait. Ses illusions donnent sur la cour (titre génial) mais les miennes donnent désormais sur une cave dont le vasistas est un peu obstrué par de la buée.

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