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4 décembre 2018

une courte mais certaine agonie

Elle n’a pas bronché, quand le verdict est tombé. Elle est restée très digne mais moi, qui la connais bien, maintenant, ça va bientôt faire un an qu’on s’est vus tous les jours, j’ai bien vu qu’elle avait accusé le coup. Ça a dû être terrible en son for intérieur. Surtout quand on sait qu’elle n’a rien voulu montrer. Si encore elle avait laissé s’échapper un ou deux soupirs, j’aurais pu réagir en tentant de la prendre dans mes bras et lui dire qu’on allait se battre même si au fond de moi, je savais déjà que la partie était finie. Il ne faut pas sortir de St Cyr pour comprendre ça. Même à demi-mots.

On le sait, quand un médecin vous convoque et prend des gants autrement que pour vous opérer, juste pour vous parler, ça ne présage rien de bon. On avait bien vu, elle et moi, qu’elle commençait à montrer des signes de forte faiblesse mais on s’est rassurés en se disant que c’était l’automne qui voulait ça, qu’on était passés d’un ensoleillement démesuré à une grisaille quasi infinie. C’était sans compter sur le diagnostic sans appel. « Vous n’en avez plus pour très longtemps » avons-nous entendu dire par le spécialiste qui nous a laissé digérer cette première information.

Je n’ai pas osé la regarder mais j’ai senti la lourde tristesse et le choc que ça lui a causé. Déjà moi, j’étais abasourdi alors je peux parfaitement imaginer sa sidération. « Je n’en ai plus pour très longtemps, d’accord mais que sous-entendez-vous, docteur ? Cinq ans ? Deux ans ? Un an ? » « Non, quand je vous dis que vous n’en avez plus pour très longtemps, j’ai un peu arrangé la chose. À vrai dire, je pense que vous n’en avez plus que pour moins d’un mois. » « Moins d’un mois ? » Et là, un silence pesant s’est installé entre nous trois et il a duré un certain moment. Longtemps.

En quittant le cabinet du docteur, je l’ai bien vue, les épaules basses, l’air absent et la démarche hésitante. Que pouvait-il donc se passer dans sa tête. Quand on apprend qu’il nous reste moins d’un mois à vivre, tout doit se bousculer dans le cerveau. Et on doit commencer à avoir des regrets et des remords. Et on doit se dire que tout est bien dérisoire, à côté de soi. Les taxes sur l’essence, les dissolutions d’Assemblée Nationale, les primes de fin d’année, les démissions de Président de la République et même les casseurs. Même les casseurs ? « Non, quand même pas » a-t-elle dit.

« Il ne faut pas exagérer non plus, quitte à disparaître dans moins d’un mois, j’aurais préféré terminer ma vie dans de bonnes conditions et ne pas voir tout ce marasme. Je n’ai pas besoin de ça en plus du reste. » J’étais un peu d’accord avec elle mais, sans savoir pourquoi, j’ai préféré me taire au lieu de lui dire qu’elle avait raison et nous sommes rentrés à pieds. Je l’ai laissée chez elle et depuis, je pense à elle tout le temps. Ma chère année 2018, tu n’en as plus pour longtemps, moins d’un mois, a dit le docteur, je pense très fort à toi et j’espère que tu mourras dignement.

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Commentaires
J
Mourir dignement ? Ça c'est moins sûr! ☹️Mais finir en beauté elle le mériterait, vu tout ce qu'elle a subit 😲
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M
😂😂 t’es un grand malade !!! 😂😂
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