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21 avril 2023

incipits (1)

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. Mais était-ce seulement et vraiment ma mère ? Parce que je l’ai eue au téléphone, encore hier, vers 17h et elle était bien vivante. Et puis ma mère ne vit pas dans un asile. Elle vit chez elle. Avec mon grand-frère. Et s’il devait lui arriver quelque chose, il ne m’enverrait pas un télégramme mais il m’appellerait. Surtout pas un SMS : « Maman morte. Prévoir funérailles. Bisous. » Non, ça n’est pas du tout son style. Malgré tout, ces quelques lignes sur la mort d’une maman sont très belles. Je ne peux pas dire que ça donne fondamentalement envie à tout le monde de lire la suite, mais à moi, oui mais c’est déjà fait. Et il y a bien longtemps de cela. « Demain, maman sera morte. Ou peut-être après demain, je ne sais pas encore. Et je recevrai un appel de l’hospice… »

Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’endors. » Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher le sommeil m’éveillait… Oui mais pas que. En réalité, je n’ai pas vraiment de problème d’endormissement, en règle générale (sauf si je viens de terminer un livre qui m’avait captivé) mais en revanche, quand je me lève, la nuit, parfois, j’ai le tracassin qui se met en route. Et je suis plutôt un couche-tôt que tard. « Toujours, j’ai aimé me coucher tôt. Parfois, après avoir lu, à peine ai-je éteint la lumière que mes yeux se ferment et je pense à des choses très, très agréables, avec toi, souvent, dans mon esprit et dans mon cœur. Et une heure après, je dois me lever pour aller faire pipi alors que j’ai fait juste avant d’aller me coucher. » Prostate, prostate…

Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste... Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. Il est venu tant de monde dans ma chambre. Ils ont dit des choses. Ils ne m'ont pas dit grand-chose. Ils sont partis. Ils sont devenus vieux, misérables et lents chacun dans un coin du monde. Oui, c’est vrai. On ne peut pas dire que ça respire la joie de vivre. Je vais bien, tout va bien et toutes ces choses-là. Non, là, on sent le poids sur les épaules. Une espèce de pression. Quelque chose qui me ressemble car il ne faut pas se fier aux apparences. Qu’ajouter à tant de désolation ? Que moi aussi « me voici encore seul. Seul avec le silence, si lent silence. Si triste et si lourd… Déjà, je suis un peu plus vieux, encore un peu plus vieux et j’aperçois la fin. J’en ai connu tant dans mon lit. On m’a dit des choses et on ne m’a rien dit. Tout le monde a disparu. Une espèce de dispersion. »

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