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2 mars 2017

il vient d'avoir 62 ans

Il vient d’avoir 62 ans, Lucio et ma foi, on peut dire qu’il a des beaux restes, il porte bien. Il faut dire que c’était un beau gars quand il n’était qu’au sortir de l’adolescence, fort comme un homme. Et beau, il a su le rester, en partie. Oui, seulement en partie car on peut déplorer un certain laisser-aller car il ne s’entretient pas, Lucio. Il a pris un peu de ventre. Il s’en moque car il a toujours entendu dire que ça donnait un certain charme aux messieurs. À n’importe quel âge mais surtout au sien. 

Cependant, il a perdu de cette arrogance de ces jeunes de 18 ans, qui se croient tout permis car avides de croquer le monde entier. Sans méchanceté. Juste de la maladresse due à l’inexpérience. Et à leur côté goulu. « C’était pas si mal », comme s’il en savait quelque chose, Lucio, à l’époque, quand il venait de jouir, que ce soit avec une copine de son âge ou avec une femme plus mûre. « C’était pas si mal », c’était un peu sa façon systématique de conclure. Une façon de ne jamais s’attacher.

Il a été un grand faiseur d’amour à défaut d’être un amoureux. Le romantisme ? Lucio, il n’a jamais vraiment su à quoi ça pouvait servir. Tant qu’il pouvait séduire du beau sexe à consommer le plus rapidement possible, il ne s’est jamais posé de question. À chaque fois qu’il croisait une jeune, une femme ou une dame, de ses yeux, de son corps, de son attitude semblait toujours sortir le même cri : « J’ai envie de toi ! » On appelle ça un tombeur, je crois. Un grand baiseur devant l’éternel.

Mais Lucio n’avait pas prévu une chose. C’est que lui aussi allait vieillir et si ça lui est arrivé de « se taper » des plus vieilles que lui, aujourd’hui, les rôles se sont inversés : c’est lui qui est devenu le vieux quand il tombe sur une jeunette mais là encore, son credo, à lui, c’est d’être sûr d’être le meilleur. « C’était pas si mal », continue-t-il de dire, à chaque fois. Et une nana de 18 ans, ça ne lui fait pas peur. Trois fois et demi 18 ans, et alors ? Du moment que ça n’est pas si mal.

Lucio s’est marié une fois. Mais son union a tourné court assez rapidement car même en croyant pouvoir s’assagir, son naturel, à peine chassé, est revenu au galop et il a repris sa course après les femmes, de tous âges, au début. Puis de son âge et plus jeunes, ensuite. Et enfin, quasiment plus que des plus jeunes, aujourd’hui. Aucune d’elles ne sait ce qu’est le blé en herbe. Lui, l’avait vu au cinéma et s’en était souvenu dans les bras de toutes celles, plus âgées, qu’il s’était faites.

Il se souvient vaguement d’une d’elles. Avec un accent italien. Cette fois-là, il a eu peur qu’elle ne s’attache. Mais il a très bien su y faire, l’air de rien. Sa candeur infernale l’a sauvé de toutes les emprises possibles. Et Lucio n’a jamais vraiment aimé remettre le couvert. Tant qu’il a pu, il ne l’a pas fait. Et il n’a jamais rien promis à aucune d’elles. Sauf à celle qui allait devenir sa femme et qu’il a si souvent honteusement trompée. Les autres, à peine joui, presque déjà oubliées.

Lucio n’a probablement jamais dit « je t’aime » à aucune femme. Pour lui, les mots d’amour sont si dérisoires. Mais aujourd’hui, Lucio réalise qu’en entrant dans sa retraite, soudain, il se sent parfois un peu seul. Il compte bien profiter de son temps libre pour mettre à profit ses talents de baiseur mais, pris d’un doute subit, il se demande s’il va pouvoir en profiter longtemps. Après tout, même un bel homme mûr, une fois qu’il a eu ce qu’il voulait, que lui reste-t-il ?

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