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4 octobre 2013

chambre froide

"Il faut savoir garder la tête froide" me disait l'employé de la morgue, l'autre jour, quand je suis allé reconnaître un corps. C'était ma première visite dans cet endroit lugubre, chargé d'émotions, non, pas vraiment en fait, ce serait plutôt chargé du contraire de toute émotion. Là, rien n'est fait pour mettre en confiance, tout est aseptisé, clair, comme une chambre d'hôpital mais en pire.

Ici, pas de maladies nosocomiales, quand vous entrez en tant que client ou patient, vous êtes certain d'en ressortir dans le même état sauf en cas d'autopsie. Mais ce n'était pas mon propos.

J'avais l'esprit ailleurs. Je n'avais pas spécialement envie de venir là. Quelque part, je me sentais assez peu concerné par le corps qu'on venait de trouver dans la Garonne. C'était peut-être celui de... sans doute, même et alors, qu'est-ce que ça changerait maintenant, pour moi ? Et j'étais là, à attendre patiemment et je me posais plein de questions. D'où vient ce nom "morgue ?"

Et je pensais au petit Philippe qui travaillait dans ce service quand je l'ai connu, il y a douze ou treize ans... Il avait eu du mal à s'habituer. Non, ce n'était pas spécialement une question d'ambiance, non, il disait que c'était surtout que le contact avec les gens n'était pas ce qu'il s'était imaginé.

Ce n'est qu'en rentrant chez moi que j'ai pu obtenir la réponse : autrefois, la morgue était le service d'identité judiciaire. Et chaque personne pénétrant dans une prison passait par une salle où on les morguait (morguer = regarder quelqu'un avec insistance.) C'est donc en les morguant que les gardiens se familiarisaient avec les visages des nouveaux arrivants afin, entre autres, de déjouer toute tentative d'évasion.

Pas de chance parce que c'est dans une pièce attenante qu'on déposait les cadavres ramassés sur la voie publique ou repêchés dans la Garonne. Ou la Seine. Un guichetier gardait l'entrée de ce caveau (ou basse-geôle) et le public venait morguer les cadavres à travers u judas pour pouvoir les identifier si possible. De ce fait, cet endroit prit le nom de morgue.

J'étais assez content de moi. J'avais la réponse à la question que je m'étais posée toute la matinée. Je me suis servi un apéro avec beaucoup de glaçons et j'ai attendu Philippe. Dès qu'il est rentré de son travail, il m'a demandé ce qu'il y avait à dîner. De la viande froide et des cornichons. Ton assiette est prête, elle est dans le frigo. Je lui ai répondu. 

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