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7 novembre 2023

soixante-dix

Tu aurais eu soixante-dix ans aujourd’hui et normalement, tu aurais reçu un chèque de ma part mais aussi un colis avec deux ou trois livres car tu aimais beaucoup lire. Je sais que ça va te manquer, de ne plus pouvoir prendre un bouquin, maintenant que tes cendres sont dispersées dans un jardin du souvenir, là-haut, dans le Nord, vers Lys-lez-Lannoy. Ton éternité risque d’être un peu longue si tu n’as aucune page à te mettre sous les yeux mais tu n’étais pas dupe, tu pensais, toi aussi, qu’il n’y avait rien, après. Et pourtant, la spiritualité te passionnait, les religions, quelles qu’elles soient, t’intéressaient et tu trouvais toujours de quoi satisfaire ton intellect, en lisant tous ces livres qui parlaient de ce sujet. En bon laïc, tu avais une ouverture d’esprit qui fait rêver malgré l’étroitesse de ta vie presque recluse.

Tu aurais eu soixante-dix ans aujourd’hui et cette année, c’est la première fois que je ne vais pas te souhaiter ton anniversaire. Tu ne demandais rien mais tu aimais que je t’envoie des choses. Si, parfois, quand les temps devenaient plus durs, tu me demandais, délicatement, si je pouvais faire quelque chose pour des timbres. Tu ne me le demandais pas directement, non, c’est soit moi qui t’en parlais dans une lettre ou toi qui me disais que tu n’en avais plus beaucoup. Alors, je t’en faisais parvenir et tu me remerciais toujours bien plus que je ne le méritais. En réalité, je me faisais plaisir à moi puisque ça te permettait de continuer à m’écrire et je ne voulais pas que tu te brimes tout seul. Et aussi des enveloppes et des ramettes de papier. Quand je sentais que tu arrivais au bout de tes stocks, je les renouvelais.

Tu aurais eu soixante-dix ans aujourd’hui et ma foi (!), que c’est étrange et vide, un 7 novembre sans toi. En plus, je ne t’ai pas vu partir puisque je n’ai appris que tu n’étais plus là que deux à trois semaines après. Tu es parti sans pouvoir me raconter ton hospitalisation. Tu aurais forcément trouvé des choses amusantes à me raconter mais tu n’en as pas eu le temps. Et tu sais, quoi, mon pote ? J’ai toujours deux lettres de toi que je n’ai jamais ouvertes. Tu me les as envoyées juste avant mon déménagement et je n’ai pas pris le temps de les lire avant que je ne sache pour ta disparition et maintenant, je n’ose pas les ouvrir car je ne sais pas quel effet ça va me faire. Plaisir et chagrin. En proportions variables. Nous le disions souvent, tous les deux, dans nos échanges, ça : en proportions variables. Bon non anniversaire, mec.

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