chez le psy (1)

Voyez-vous, docteur, le problème, c’est que je n’en dors plus, moi, avec tout ça. Franchement, vous ne trouvez pas que ça fait beaucoup pour un seul homme ? Mais je vous l’avais dit, dès le mois de janvier, souvenez-vous-en. Souvenez-en-vous… Non, souvenez-vous-en. Vous voyez, même pour parler, je suis tellement à cran que je ne sais plus comment je dois dire les choses. De là à ce que je me remette à bafouiller comme quand j’étais jeune. Remarquez, je n’ai ja-jamais été vraiment bègue, il n’y a que sur certaines consonnes que je bu-butais. Notamment avec le D. Enfin, je crois… Ah si, je suis sûr que c’était souvenez-vous-en car souvenez-en-vous, ça aurait un côté trop salace dans les sous-entendus. Mais non, je vous rassure, j’ai arrêté de ne penser qu’à ça. J’ai passé l’âge, je pense.

Non, je sais qu’il n’y a pas d’âge pour ça et qu’on n’a que l’âge de ses artères et de ses obsèques mais là, j’ai envie d’un peu plus de sérénité car ce que j’aimerais, c’est retrouver le sommeil. Non, ce que j’aimerais, c’est trouver un sommeil. Parce qu’il y a si longtemps que je ne sais plus comment faire correctement une nuit… Forcément, avec toutes ces années à travailler de sorgue. Je me suis levé à 2 heures du matin pour aller travailler dans le froid et l’humidité, été comme hiver et ça a duré un bail. Alors déjà que j’avais un sommeil lourdement léger mais là, ça a flingué toutes mes capacités à dormir justement. Dans le sens du juste… Du sommeil du juste. En même temps, je ne suis pas forcément quelqu’un qu’on pourrait appeler un juste. Ou juste au corps. Mais pas à l’esprit. À voir.

Vous savez, je me réveille plusieurs fois par nuit, je vais faire pipi au moins deux fois et avec tout ce qui se passe, parfois, j’ai la machine à tracassin qui se met en branle et forcément… Forcément… Forcément, je ressasse, je rumine, je radote, je rabâche, je remâche et tous ces verbes qui commencent par R. Je n’ai jamais eu spécialement de difficultés avec la lettre R. Au contraire. Et voilà, en plus, à chaque fois que je regarde l’heure quand je suis censé dormir, il est 4h36. Ça devient limite obsessionnel. Qu’est-ce que vous pourriez me conseiller, docteur ? Parce que j’aimerais bien ne plus me sentir fatigué, quand je me lève, le matin. J’aimerais me sentir jeune, frais et dispos. C’est un sacré challenge pour quelqu’un qui ne sera plus jamais jeune, ni frais, ni dispos. Juste disponible.