un mec ordinaire

Je suis un mec banal, un mec ordinaire, tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Je n’ai rien qui me fasse sortir du lot, objectivement parlant. Bien sûr, aux yeux de mes proches, de ceux qui peuvent m’aimer, bien sûr que pour eux, je suis quelqu’un de différent voire de singulier mais si je me compare à la masse, je reste quelqu’un de totalement neutre, de passe-partout et même d’invisible. Je n’ai rien fait de ma vie. Rien de plus que le minimum syndical. C’est-à-dire que j’ai fait ma scolarité en raflant tous les prix d’excellence pendant le primaire et j’ai continué d’être un bon élève jusqu’en troisième. Après, je me la suis coulée un peu douce (ça s’accord au féminin, se la couler douce ?) et ensuite, je suis entré dans la vie professionnelle après avoir vécu aux frais de la princesse mais pas trop.

Finalement, j’aurais voulu être écrivain et ça, si ça m’était arrivé, ça m’aurait permis de ne plus être un mec ordinaire. Mais ça ne s’est pas produit. Je ne me suis pas marié. Je n’ai pas eu d’enfants. Je n’ai pas eu de grave maladie. Je n’ai pas eu de handicap (pas encore) et autour de moi, les gens sont globalement restés vivants sans problème majeur. Alors oui, ça pourrait passer pour quelque chose d’extraordinaire qu’à presque 61 ans, j’aie encore mes parents en relative bonne santé. Mais justement, je reste un mec ordinaire : ma mère passe à la télé, à 84 ans passés, en tant que nageuse, en tant qu’ex-championne de natation et ça, oui, ça reste quelque chose de commun, de courant. Tout le monde peut avoir une mère qui passe à la télé, sur TF1, le dimanche soir avant les infos.

Oui, j’ai des amis que je trouve extraordinaires mais encore une fois, objectivement, pas plus que les amis de tous les autres gens. Oui, bien sûr, j’ai eu l’occasion d’aller trois ou quatre fois dans un local, à Genève, pour récupérer de l’argent qui était caché dans un coffre, pas de l’argent à moi mais peu importe, ça aussi, c’est banal, on en voit plein des gens qui ont des coffres, dans la vie, dans les films, pas forcément en Suisse mais bon, pour une  fois… Oui, j’ai assisté à l’intronisation de Sheila en tant que membre honoraire de la confrérie de l’Ordre du Champagne, dans les caves de Piper Heidsieck vers la fin des années 80 mais et alors ? Tout le monde peut avoir partagé une soirée avec Sheila à boire du champagne, non ? En tout cas, je le dis et je le répète, je suis un mec tout à fait ordinaire.