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6 novembre 2022

né en 34 chez Picard

Il y a des choses qui marquent plus que d’autres et franchement, je ne sais pas si j’aurais fait attention à celle dont je m’apprête à parler si papa n’avait pas disparu, le 17 janvier dernier. Je m’explique : hier matin, je suis allé faire un achat chez Picard, au centre-ville de Bordeaux mais pas dans le magasin dans lequel j’ai mes petites habitudes, non, dans un plus petit où on ne trouve pas tout ce qu’on veut (pour une fois, c’est bien la taille qui compte) et là, j’ai fait contre mauvaise fortune, bon cœur en achetant un truc pour me dépanner et je suis arrivé à la caisse où se trouvait un client un peu ridé et un employé un peu gros. Je sais, parler du physique des gens, ce n’est pas ce que je fais de plus intelligent mais là, ce mec, la première chose que tout le monde doit se dire en le voyant : il n’est vraiment pas maigre !

Et j’ai entendu le client, le monsieur ridé, dire qu’il était né en 1934 et là, j’ai tendu l’oreille parce que papa est né en 1933 et je me suis dit que cette année, ce monsieur en question avait eu le même âge que papa l’an passé. Et j’ai calculé que ce client avait 88 ans et ça m’a un peu bouleversé. Papa ne me semblait pas autant ridé. Peut-être que ce monsieur, chez Picard, avait pris plus de soleil ou plus ri, dans sa vie ou plus pleuré ou que sais-je encore. Papa, je ne l’ai jamais vu comme un vieux monsieur sauf dans les derniers mois, à l’Ehpad où là, il a décliné très, très vite. Et j’ai eu ressenti un élan d’affection pour ce monsieur, étonnamment assez fort. Au point que j’aurais presque pu oser lui parler. Mais pour lui dire quoi ? Pour lui parler de papa ? Mauvaise idée. Mais quoi, alors ? Pour lui dire qu’il avait de la chance d’être encore là ?

Pour lui dire que ça me touchait de le voir apparemment en bonne forme ? Je pense qu’il n’y avait rien de tout cela à lui dire, à cet inconnu. Ou lui proposer un café et parler de la pluie et du beau temps mais ça lui aurait semblé anormal qu’un petit jeune de presque soixante-trois ans vienne tenter de faire sa connaissance. Alors, je l’ai regardé partir et j’ai ressenti une espèce de pointe de tristesse m’envahir. Ça n’a pas duré mais bon… J’ai ensuite repensé à la chanson de Goldman, « Né en 17 à Leidenstadt » et  je me suis dit que si j’avais eu ne serait-ce qu’un peu de talent, j’aurais pu écrire ma propre chanson qui se serait appelée « né en 34 chez Picard » et tout le monde se serait demandé le sens profond des paroles. Et tout le monde aurait interprété le texte à sa façon mais moi seul aurais connu la vérité. Oui, né en 34 chez Picard.

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