on ne s'imagine pas tonton

Quand on a onze ans, comme ça m’est arrivé, il y a bien longtemps, au début des années soixante-dix, j’avais déjà beaucoup d’imagination mais jamais au grand jamais, je n’ai pensé un seul instant qu’un jour, je pourrais être tonton ou parrain. Je ne suis que tonton mais toujours pas parrain et peu importe. Je suis souvent imaginé devenir instituteur (pas professeur des écoles, instituteur) puis, directeur d’établissement primaire) avant de penser à être professeur d’anglais, en 6^ème et professeur d’espagnol, en 4^ème. Puis, au lycée, je me suis dit que professeur de français, ça restait une très bonne option. Sauf que je n’ai pas poursuivi mes études vu que j’étais persuadé qu’en allant à Paris à 19 ans, je deviendrai le plus grand écrivain du monde. Ça n’a pas marché non plus, j’ai fait électronique et mareyage.

Je ne me suis jamais vraiment imaginé marié avec des enfants mais je n’ai jamais anticipé le fait que je puisse être tonton car il n’y avait pas assez de fantaisie pour moi dans cette idée. Parce qu’il y a des choses que je pressentais et qui feraient que ça ne serait pas ma vie. Et ensuite, au vu de l’évolution de mon grand-frère et de mon petit frère, j’ai su que si j’allais devenir tonton, c’est bien plus tard et uniquement par la volonté du dernier. Quoi qu’il en soit, quand on est enfant, on ne se dit pas qu’un jour on aura des neveux et des nièces ou les deux. On ne se dit pas qu’on aura un ou une filleul(e) et moi, si j’ai refusé de l’être, avant qu’on ne me le propose (j’aime bien anticiper), c’était par conviction antireligieuse et comme on ne m’a jamais proposé de l’être dans un baptême civil, c’est raté.

En fait, ce que je voulais dire (au lieu de me diluer dans plein d’idées inutiles et dans plein de digressions), c’est que même quand on a de l’imagination, quand on est gamin, on ne peut pas soupçonner de telles choses. Mais aujourd’hui, alors que j’ai un neveu et une nièce, je me dis que c’est dommage de ne pas en profiter comme tout tonton normal. J’aurais apprécié de faire avec eux ce que j’aurais pu vouloir aimer faire ou vivre avec mes propres enfants. Ceux que je n’ai pas eus et que je n’aurai jamais, c’est une certitude, désormais. Aller au cinéma, partager des lectures en fonction de son âge, aller se promener, aller à la piscine (euh non, pas sûr) mais ça, ça n’est pas près de se faire. Question de feeling. Ça peut paraître étrange, ce que je dis mais je me sens tellement décalé avec eux.