finalement, c’est la langueur qui compte

Finalement, c’est peut-être bien la langueur qui compte alors que j’ai toujours crié l’inverse haut et fort. Mais depuis quelques jours, j’ai commencé à penser le contraire. Parce que cet isolement contre mon gré, avec tous les symptômes pénibles de fièvre, de mal de tête, de douleurs dans les jambes et les épaules, j’ai eu le temps de me poser, pour une fois. Et pas qu’un peu mais bel et bien pendant plusieurs jours. Je ne me suis pas ennuyé mais je me suis languis. Et même encore ce matin, je me languis, là. Je bâille. Je ne fais que bâiller. Parce qu’il ne se passe rien. Et comme je sais qu’il va ne rien se passer ici, dans les paragraphes et les heures suivants, je crains que vous aussi, vous ne fassiez plus que bâiller. À la différence de moi, vous, ce sera peut-être par réel ennui. Et je n’y pourrai rien.

Parce que quand on n’a rien d’autre à faire que rester enfermé chez soi sans voir personne, on a beaucoup de temps à tuer. Moi, je ne l’ai pas tué, le temps, je l’ai juste un peu torturé. J’ai beaucoup réfléchi. J’ai beaucoup regardé la télévision. J’ai passé des heures devant mon ordinateur. J’ai fait du rangement : tiens, une boîte de médicaments périmés, je recycle. Et celle-ci ? Valable jusqu’en 12/2025, je garde. Et tous ces tubes homéopathiques… J’ai aussi cherché où était passé mon oxymètre. J’ai fini par le trouver, il était sous mes yeux. J’ai regardé par la fenêtre. J’ai reçu trop beaucoup d’appels de mes proches. Ça m’a obligé à parler et ça m’a provoqué des quintes de toux. Et j’ai bâillé, beaucoup. Éternué fort, un peu. Fait pipi, souvent. Bu, beaucoup. Somnolé, régulièrement.

J’ai fait mes comptes, ce qui ne m’a pas pris des heures vu que je ne suis pas sorti. J’ai parcouru des magazines. J’ai souvent changé de chaîne, à la télévision. J’ai lu un thriller et je peux vous dire que ça m’a bien changé de Zola. J’ai mangé moyennement car je n’avais pas spécialement d’appétit. Enfin, ça dépendait des jours. J’ai pris du Doliprane 1000 et du Spifen 200, en alternance. J’ai eu le temps de penser à des gens que j’aime bien. Moins à ceux que je n’aime pas trop. J’ai joué sur un vieux téléphone. J’ai bâillé. J’ai toussé. J’ai éternué. J’ai fait pipi. J’ai bu. J’ai passé tant de temps sur le canapé. Ça n’a aucun intérêt, je sais mais je vous avais prévenus : « ce billet va vous faire bâiller. » Si jamais vous vouliez vous plaindre, sachez que rien que cette idée me fait bâiller, bâiller encore plus fort.