Tout est triste, avec tes talents de solitude a dit le poète, un jour. … Les odeurs se consument jusqu’à la magie… Un moment de vie vers toi… Je me sens perdu tout bas et je te parle beaucoup de l’endroit désert où s’envolent la perte et la disparition des images… Je me souviens très bien de ça, je me souviens très bien de toi. Nous ne nous étions pas encore rencontrés mais je savais que ça allait se produire parce que j’en avais tellement envie. J’avais entre 18 et vingt ans, toi tu n’existais pas encore, dans aucun monde, dans aucune réalité et tes parents eux-mêmes savaient-ils qu’un jour, tu arriverais ? Et que des années après, nous nous croiserions et que de cette rencontre, un nouveau monde serait né ? Un monde d’amour, un monde d’envies et un monde de patience et d’espoirs.

Tout est triste avec tes talents de solitude… Le poète avait sans doute raison parce que son rêve était prémonitoire. ... un trépas de vie, une merveille lointaine illumine toutes les possessions de l’habitude ... une artiste, cette vie ! ... alors, pourquoi ?... Encore une question qui n’a pas eu de réponse, la première fois qu’elle a été posée et qui n’en a toujours pas, plus de quarante ans après. Je me la pose toujours, sans cesse et sans relâche. Un peu comme Sisyphe avec son rocher. Cent fois sur le métier de vivre, je remets en ouvrage tous mes doutes et toutes mes peurs ancestrales. Cent fois. Sans foi ni loi. Sans toi. Parce qu’il ne peut pas y avoir de loi sans toi. Faudra-t-il que je m’y résigne, alors ? Moi, je suis capable de toutes les abnégations parce que j’ai le choix. Même si ça me coûte.

Tout est triste avec tes talents de solitude… Oui, ce poète a écrit ça un énième soir de tristesse d’amour dans le vide. Ce poète, je le connais bien, c’était peut-être moi, en nettement plus jeune mais le toi, en ce temps-là, ce n’était pas encore totalement toi. … alors, pourquoi ?... J’écoute ton oubli comme un robinet qui goutte jusqu’au moment heureux où toi aussi dans la chambre vide de soleils noirs... non ! Tout est triste avec tes talents de solitude… Tout est décidément trop triste... Mais moi, j’ai la curieuse sensation de ne pas l’être plus que ça. Cette peine, cette nostalgie ne semble être que dans mon air ambiant, pas au plus profond de moi. Peut-être parce que j’ai compris que tout avait une fin. Et ça, ça n’est pas triste sauf si on n’en accepte pas l’idée. Moi, je m’y suis déjà soumis.