c’est ton troisième verre, Stéphane !

Encore un verre, tu en es déjà à ton troisième, Stéphane, non ? D’abord, ce n’est que du champagne, ça ne rend pas malade parce que c’est du bon et je ne vois pas pourquoi Nadal pourrait gagner 14 fois Roland Garros et moi, n’être autorisé à ne boire que deux verres, trois tout au plus. Qu’est-ce que j’ai de moins que Nadal, moi ? D’accord, je suis plus vieux que lui mais il n’empêche que ça ne fait pas tout, la différence d’âge. Parce que moi aussi, si j’avais été un grand joueur de tennis, j’aurais pu continuer de venir me battre contre les petits jeunes au tournoi parisien mais je ne l’ai pas fait. D’abord parce que je n’ai pas le même esprit de compétition que l’espagnol. Et ensuite parce que j’ai du respect pour les gamins qui arrivent sur le marché et je pense que c’est à eux de prendre les places.

Nadal a gagné 14 fois Roland Garros à seulement 36 ans mais moi, encore une fois, si j’avais été un champion de tennis, j’aurais pu gagner 28 fois le même tournoi à 62 ans si j’avais commencé un peu plus jeune que lui et si je n’avais pas arrêté le tennis au bout de deux ans car les filles plus grandes que moi se moquaient de mon côté timoré et encore très enfantin. J’ai eu une puberté un peu longue à démarrer et en plus, je faisais chétif. Mais si elles n’avaient pas été là, ces grandes connes de troisième ou même de seconde, au lycée, allez savoir si ça n’aurait pas été moi, le plus grand champion du monde de tous les temps au tennis. Ça ne tient vraiment pas à grand-chose alors, Nadal, outre que je ne l’ai jamais trouvé sympathique, camembert, si vous voulez que je reste bien élevé.

En tout cas, j’ai bien fait de ne pas regarder la finale, hier après-midi car comme je n’avais pas envie de le voir gagner, Nadal, je me suis épargné ça. Et j’ai bu au moins trois verres de champagne pour oublier que je ne suis pas un crack au tennis, que je suis nettement plus vieux que lui et que si j’avais été moins couard à 13 ou 14 ans, ma vie n’aurait pas été la même. Si ça se trouve, ce n’est pas parce que j’ai eu peur de ces grandes filles que j’ai tout abandonné mais parce que je pressentais que le mouvement Me Too pointerait le bout de son nez et moi, je ne voulais pas d’histoires. Je n’avais pas la carrure physique ni psychologique pour ça. Alors, rendez-vous l’année prochaine pour un tournoi de Roland Garros sans Nadal ? Chiche ! Tiens, pour la peine, je vais me reprendre un verre. De toute façon, hein…