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26 janvier 2022

plus jamais d’heure d’été

Quand quelqu’un disparaît, quelqu’un d’aussi proche qu’un papa, par exemple, il y a des réflexions qu’on se fait et qui pourraient paraître un peu ridicules mais non, pas tant que ça, à y regarder de plus près. Tiens, par exemple, mon père ne connaîtra plus jamais d’heure d’été et l’heure d’hiver actuelle a été sa dernière heure. Mon père ne fêtera plus jamais son anniversaire non plus et nous avons bien fait de marquer le coup, à l’Ehpad, au mois de mai dernier. Sur les photos que j’avais prises, alors, il était encore un peu présent avec nous et il avait même fait bouger son oreille, quand je lui avais demandé, avec l’œil qui frisait car, et je suis comme lui, car quand il s’agissait de faire ou de dire des bêtises, juste avant, mon père avait l’œil goguenard. Des moments de complicité entre lui et moi, ça.

Et mon père ne connaîtra pas ma floraison de tulipes, cette année. Pas même en photos. Elles ne sortiront pas avant au moins 5 semaines et d’ici là, il y aura déjà une lurette assez belle qu’il sera parti. Il aura vécu son dernier Noël, il y a un mois et j’ai appris, en vidant la chambre 13C, à l’Ehpad, qu’il avait eu une ceinture à cette occasion. Dans les Ehpad, on fête Noël sans demander leur avis aux résidents. Je ne ferai aucun commentaire à ce sujet mais si je dois me retrouver dans un établissement de ce genre quand je serai très vieux et probablement dépendant, je ne veux rien pour Noël. Pas même une ceinture. Même à cliquet. Qu’on se le tienne pour dit, ça fait déjà partie de mes dernières volontés de mec vivant. On parlera de mes posthumes quand il sera temps de le faire, là, c’est trop tôt.

Et mon père, d’abord hospitalisé avant d’être placé, n’aura pas vu les volets roulants que ma mère a fait installer, fin janvier 2021. Il n’aura pas vu la rénovation du toit du garage, l’été dernier. Il n’aura pas vu que le noisetier aura produit beaucoup, cette année. Il ne connaîtra pas le prochain Président (ou la prochaine Présidente) de la République, dans trois mois. Avec un peu de chance, si c’était Marine Le Pen, on pourra déjà se dire qu’il aura échappé à ça. Il ne viendra plus jamais chez moi, à Bordeaux et quand maman viendra toute seule, ça va nous faire bizarre, sans lui. C’est pareil pour Biscarrosse. Et tant d’autres endroits dans lesquels nous avions plus ou moins l’habitude d’aller. Et nous ne prendrons plus jamais un verre ensemble, avant de dîner. Avec des pistaches. C’est comme ça. Ainsi soit-il.

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