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3 novembre 2021

longtemps je me suis, hélas

Longtemps, je me suis couché de bonne heure et je continue de ressentir ce besoin de ne pas m’éterniser, le soir. Car je suis du matin. Me coucher de bonne heure, c’est un point commun que j’ai avec Marcel. Un parmi d’autres. Comme celui-ci : partir à la recherche du temps perdu, celui qui ne se rattrape guère, celui qui ne se rattrape plus. Maintenant, puis-je avouer aussi, sans rougir que longtemps, je me suis touché de bonne heure ? Non, ça fait étrange et ça ne regarde personne.

Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie et il est vrai que si je regarde les étoiles, quand le ciel nocturne le permet et que je suis seul, ça me donne un peu le tournis. Je sais alors que je ne suis qu’une toute petite chose qui fait partie d’un grand tout et que je ne compte pas. Alors, je fais comme si de rien n’était et je me dis que je fais bien de me coucher de bonne heure, le plus souvent possible car ainsi, je n’ai pas à me sentir attiré par le vide de l’intersidéral, d’un profond insondable.

Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je me réveillerai en me demandant si j’ai passé une bonne nuit. Suis-je seulement capable de passer une bonne nuit ? Mes nuits ne sont-elles pas à l’image de ce que je suis dans la journée : une pile électrique ? Alors, c’est peut-être aussi un peu pour ça que je préfère me coucher de bonne heure, en règle générale car j’ai besoin d’un minimum de temps de repos, celui du guerrier. Aurais-je aussi légèrement peur du silence des nuits infinies ?

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Bien sûr, ce n’est pas vrai. Mais quand c’est aujourd’hui dimanche et que le lendemain, c’est lundi, je peux y penser. Maman fera partie un jour de ces espaces infinis qui m’effraient car assourdissants de silence. Je le sais de plus en plus. Et quand ça arrivera, quand blanchiront les campagnes, pour les aubes suivantes, peut-être n’irai-je plus me coucher de bonne heure. Ou peut-être que si car je ne sais pas si je peux changer.

Ô temps, suspends ton vol ! Autant me demander d’être calme et de ne pas avoir peur de ces éternités et de ces espaces infinis qui nous attendent tous. Autant suspendre son souffle. Ô temps, qu’en emportent les vents. Un jour, je me coucherai tard et je ne me relèverai alors probablement plus. Je ne pense pas que j’aurai le talent de voyager à travers les nuages, non, je ne serai plus qu’un tas de poussières qui voleront aux premiers vents venus quand blanchissent les campagnes du matin.

Le plus clair de mon temps, je le passe à l’obscurcir, je n’y peux rien, je suis ainsi fait que je n’y peux rien. Derrière les apparences de quelqu’un qui prend tout (ou presque) de façon légère, je traîne des tonnes de tristesse, de peurs et de doutes. Je n’ai aucun talent si ce n’est celui d’essayer de vivre le mieux possible et parfois, d’aimer. Je me réfugie souvent derrière un paravent souriant pour ne pas montrer que je suis faible. Que je redoute les espaces infinis et les silences pesants. Je suis petit.

La chair est triste, hélas et j’ai lu tous les livres. Et je n’ai trouvé aucune réponse. Jamais. Pas même aux questions simples comme celles des espaces infinis et des silences éternels. Pas plus pour ces aubes, ces campagnes qui blanchissent, ces temps incapables d’être suspendus mais bien obscurcis, ces morts passées, ces morts à venir, alors, laissez-moi me coucher de bonne heure si j’en ai envie. Et laissez-moi avec ce que j’ai d’esprit de corps. La chair est faible, hélas et, tant pis, j’ai bu tous les litres.

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