j’ai reconnu ton genou

C’est sympa de m’envoyer une photo de toi mais elle n’était pas très bien cadrée. Bon, le principal, c’est que j’aie pu te reconnaître malgré tout. J’ai bien reconnu ton genou, que je suppose être le gauche à cause de l’angle de prise de vue. Mais ça dépend aussi. Je ne sais pas de quoi mais ça dépend aussi. En tout cas, je trouve que ton genou a bonne mine et ça me fait plaisir de savoir que tu as l’air d’aller bien. Du moins, sur cette photo. Je regrette juste un peu de ne voir que ton genou. Et encore, juste un peu de ton genou parce qu’on ne peut pas dire que tu en as beaucoup montré. À croire qu’une certaine timidité s’est emparée de toi. Une certaine timidité ou une certaine pudeur. Allez, ne le prends pas mal, je te taquine. Et si tu t’en souviens bien, quand je taquine, c’est que ça va plutôt bien.

Moi, je suis très carte postale. Non, pardon, j’étais très carte postale. Je me souviens, il y a encore une dizaine ou une quinzaine d’années, quand nous partions en vacances, nous avions un budget conséquent pour ça. Une quarantaine de cartes par séjour d’été. Et nous avions le même niveau de dépenses pour les cartes de vœux et de bonne année et de bonne santé et tout et tout. Et les ans passant, nous avons réduit tout ça, un peu malgré nous, un peu par la force des choses et parce qu’il nous a semblé que les autres étaient peut-être plus réceptifs aux messages SMS et/ou MMS et aux vidéos envoyées via certaines applications sur nos téléphones portables. Il n’empêche que moi, je garde une tendresse particulière pour la carte postale. Maintenant, j’en envoie nettement moins qu’auparavant.

Nettement moins qu’auparavant mais avec beaucoup de plaisir. Tout comme je suis tout aussi heureux de me servir d’une de ces applications qui me permet d’envoyer une photo de moi (tant qu’à faire, je ne vais pas jouer au modeste, non plus, hein ?) à certains proches. L’important, c’est de penser à ceux que j’aime et de leur faire savoir. Et là, par rapport à cette belle idée, je me sens bien. Maintenant, en ce qui concerne celle que tu m’as envoyée, je vois bien un bout de ton genou et le sable d’une plage. Et le livre ouvert et la carte postale qui doit te servir de marque-pages. Je reconnais une abbaye. Et je devine que tu es dans la partie de la photo qui ne se voit pas. Mais peu m’importe, tu as pensé à moi et ça me fait chaud au cœur. C’est vrai qu’il m’en faut peu pour être heureux.