Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
C'est écrit
29 juin 2021

le baisemain

Est-ce qu’on peut s’habituer à tout ? Lundi dernier, en allant voir papa, c’est la première fois que je suis resté aussi longtemps avec lui depuis six mois, depuis qu’il a été hospitalisé et depuis qu’il est placé. Je suis resté près d’une heure et peut-être hormis le jour de son anniversaire où là, ça avait peut-être duré autant mais il était moins présent, moins avec nous, nettement plus absent. Là, on l’a retrouvé un peu comme s’il n’était pas dans cet Ehpad. Bien sûr que je me rassure en écrivant ça et bien sûr que je me disculpe en me raccrochant au fait que je me dis qu’il n’est pas malheureux, là-bas, à défaut d’être heureux. A-t-il encore seulement la notion du bonheur ? Oui, peut-être quand il voit maman arriver, deux fois par semaine. Mais ça ne reste que des visites, ce n’est plus comme avant.

Quand je le vois comme lundi dernier, j’ai envie de lui demander : « Papa, tu sais que tu es là parce que tu es malade ? » Et alors ? Ça m’avancerait à quoi ? Finalement, je préfère qu’il ne me réponde pas, je ne suis pas sûr de vouloir entendre sa réponse, s’il est capable de m’en faire une. Je n’ai pas envie de savoir. Et je me dis que ça dépend peut-être des moments, dans ses journées monotones. Et si je tombe au moment où il est lucide, non, je ne veux pas tout savoir. Alors, je me contente de profiter comme je le peux de ces instants à peu près partagés. Je n’y vais qu’une fois par mois, environ et c’est important. Ça me donne peut-être bonne conscience mais surtout, je n’ai pas envie de passer à côté de sa nouvelle vie. Et tant pis si ce n’est jamais facile et tant pis si parfois, je me dis que…

Boire pour oublier. Toi, tu n’as pas eu besoin de picoler, pour ça, tu as ce talent de pouvoir laisser s’échapper naturellement tant de choses, désormais. Sauf que parfois, tu as l’œil vif, l’œil qui frise, l’œil malicieux. Et j’aime ces moments-là, tu ne peux pas savoir à quel point. Et parfois, tu me fais beaucoup, beaucoup de peine car tu les as tout rouges, tes yeux. Tu es dans l’émotion et tu ne sais presque plus l’exprimer. Alors, on la reçoit comme tu nous l’envoies, sans aucune parole. Et lundi dernier, au moment de partir, quand tu t’es levé de la table du goûter parce que tu as réalisé que nous partions, tu es venu nous rejoindre, à la porte et tu as pris le poignet de maman et tu lui as fait un baisemain. C’était incroyablement troublant et attendrissant. Je veux te remercier de m’avoir fait voir ça.

Publicité
Publicité
Commentaires
C'est écrit
Publicité
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 199 243
Archives
C'est écrit
Publicité