les pois cassés

Non vraiment, je regrette qu’on en soit arrivés à se disputer comme on l’a fait hier. En plus, c’est parti de rien, une broutille. L’étincelle qui a mis le feu à la poudrière. Quand ça nous est tombé dessus, j’ai été estomaqué car je n’ai rien vu venir. En plus, même si j’étais fatigué, j’avais passé une plutôt bonne journée et je me sentais assez bien, même mieux que les jours passés. Comme si je renaissais après une espèce de petite mort. Il faut dire que les effets secondaires de la première injection, je les ai bien sentis passer. Mais justement, tout ça, c’était du passé et normalement, on aurait dû commencer un week-end tranquille. Une fin de semaine peut-être un peu plus fraîche en termes de température mais avec quand même encore beaucoup de soleil. J’étais loin de me douter qu’un orage aussi violent allait s’abattre sur nous. Vraiment loin de m’en douter.

Je crois me souvenir que tout est parti d’une bêtise, une blague que j’ai faite et qui n’a pas été comprise ou pas entendue, plutôt parce que si seulement il acceptait de mettre ses prothèses auditives mais non, monsieur est au-dessus de ça, il n’est pas sourd, c’est moi qui ne m’exprime pas assez fort et pas assez clairement. Alors, le ton est monté et on a sorti chacun de son côté son carnet d’épargne sur lequel on a pris l’habitude de coller les timbres de nos ressentiments. Et tout a été reproché et des menaces ont été proférées. Et des insinuations : « Je sais ce que je sais et je sais ce que je dis » « Qu’est-ce que tu sous-entends, là ? » « Je ne sous-entends rien, je constate… » « Tu ne sous-entends rien et tu n’entends jamais rien non plus » et là, par inadvertance, j’ai fait un geste brusque et j’ai cassé un verre qui était au bord de la table. Sans le faire exprès.

Il l’a mal pris et du coup, il a cassé une assiette. Alors, je suis allé dans la cuisine et j’ai pris une bouteille de vin qu’il avait achetée et je l’ai jetée sur la terrasse. Et il a ouvert le placard à épicerie et il a sortir le premier truc que sa main a trouvé : un paquet de pois cassés. Il l’a ouvert et l’a renversé par terre. Et là, ça m’a tellement fait de peine que je n’ai pas répondu, il y avait déjà eu suffisamment de violence comme ça depuis deux heures. Je me suis effondré par terre et j’ai pleuré. Et j’ai tenté de ramasser les pois cassés. Je n’aime pas qu’on joue avec la nourriture et encore moins avec les légumes secs. Et j’ai remis tous ceux que je pouvais dans un saladier et je suis allé m’enfermer dans la chambre d’amis et là, j’ai tout mis sur le couvre-lit et j’ai commencé à reconstituer chaque pois en les comptant pour voit s’il n’en manquait pas. J’ai tenté de recoller les pois cassés.