la polenta

Hé, Stéphane, il n’y a pas que toi qui es capable de faire des trucs inutiles. Moi aussi, je peux  m’y mettre et tu sais quoi, en plus ? En tant que prof de sports rectangulaire (le prof, rectangulaire, pas les sports, hein – je le précise si jamais il y a des nouveaux lecteurs, ici) Ah oui, Jean-Michel ? Tu as pensé à quoi ? J’ai pensé et déjà ça, ça n’est pas rien. Ça m’a pris un peu de temps car je suis meilleur au physique qu’à la réflexion mais comme j’ai un mental de sportif, il n’y a rien que je ne puisse réaliser, comme défi car chaque défi, c’est un peu comme une compétition et moi, j’aime ça, gagne pour me battre. Non, comment on dit, déjà ? Et moi j’aime ça. Quoi ? Me battre pour gagner. Et alors, c’est quoi ton idée géniale mais inutile ? Attends de savoir avant de te moquer, Stéphane, tu vas savoir.

Je ne me moque pas, Jean-Michel, je ne me moque pas. Au contraire, je suis même très impatient de savoir ce que tu vas me montrer. À condition que tu me montres quelque chose parce que ce n’est peut-être encore que de la théorie, ton truc secret, non ? De la théorie ? Pfff, ce ne sont que des mots tout ça, moi, ce que j’aime, ce sont les actes. Ce que j’aime, c’est l’action. Tu vois, ça, là, sur la table de la cuisine ? Oui, c’est un paquet de polenta, si je ne m’abuse. Tu ne t’abuses pas mais où vas-tu chercher ces expressions vieilles comme… vieilles comme… ces expressions un peu vieilles ? Oui, c’est de la polenta mais tu n’as aucun mérite, c’est écrit dessus. Et alors ? Et alors ? Toi, tu comptes les grains de riz, tu comptes les pois chiches, tu comptes les lentilles et moi, alors, je compte quoi, dis-moi ?

Non, je ne compte pas pour du beurre, moi, je vais compter les grains de polenta. Comme ça, je serai plus fort que toi. Je vais te mettre minable, en toute amitié, tu me connais, je ne suis pas méchant. Un peu con mais pas méchant. C’est vrai, tu n’es pas méchant. Je le suis certainement plus que toi, en vrai. Et là, je vais les compter devant toi, tous ces grains de polenta. Parce que je veux que tu sois le témoin de mon record du monde. Tu veux être celui qui les compte le plus vite ? Non, je veux être celui qui les compte. Je veux qu’on se souvienne de moi comme celui qui compte les grains de polenta. Alors, tu es prêt ? Moi, oui. Tu vas vraiment les compter tous ? Oui, tous, un par an. Mais pourquoi tu n’en comptes pas cent et tu fais une tare et tu pèses le reste ? Laisse-moi faire, cousin, je commence. Un, deux…