le nombril de Kali

La pauvre petite bête qui est maltraitée, mal nourrie et mal aimée. C’est ma chienne. Enfin, quand je dis que c’est ma chienne, ce n’est pas tout à fait vrai, c’est la chienne du patron mais c’est un peu la mienne, par ricochet et comme je suis probablement celui qui lui fait le plus de câlins, à Kali et que c’est moi qui la promène, avec son demi-frère Shuka, pendant les confinements et chaque dimanche matin, en dehors de ces confinements et que c’est aussi moi qui les emmène tous les deux chez le toiletteur environ tous les trois mois ou à peine. Avec Kali, nous avons une relation fusionnelle, c’est un peu l’amour de ma vie. Avec Minette, ma petite chatte. Qui n’est pas non plus la mienne, c’est celle d’un ami et je sais qu’il aime bien que j’en prenne soin. En fait, j’aime les animaux de mes amis.

Quoiqu’il en soit, hier matin, encore une fois, alors que Kali était échouée sur le canapé des chiens, dans le salon près du jardin, elle était sur le flanc droit et avait juste la patte gauche à moitié dépliée en l’air. Pour une fois, elle n’offrait pas son ventre rose au vu et au su de tout le monde, non, elle a su garder une certaine tenue. Et moi, les yeux crapaud mort d’amour, je l’ai regardée sans faire de bruit afin de la laisser se reposer tranquillement et moi, de m’abreuver d’un si joli spectacle d’abandon et de confiance. Kali et moi, on se ressemble beaucoup, elle est toujours speedée, elle sait faire deux choses à la fois, elle marche vite et elle aime les caresses. Sans oublier le fait que quand elle décide de s’abandonner, comme hier, elle le fait totalement et rien ne pourrait l’en empêcher. Comme moi.

Mais même sans m’en rendre compte, elle a dû m’entendre car, en tant que chienne de chasse (tout comme moi), elle a malgré tout toujours une oreille qui traîne et un œil en coin pour surveiller ce qui se passe. Et là, comme elle a vu que je la regardais, elle a fait le métronome avec sa queue, de droite à gauche et elle s’est mise évidemment sur le dos (comme moi) pour me faire comprendre que mes mains seraient les bienvenues sur son ventre. Je n’ai pas su résister et j’ai plongé vers elle, tout en douceur et là, pendant que je la caressais, j’ai cherché à voir où se trouvait son nombril. Je ne l’ai pas trouvé. Je me suis donc demandé si elle en avait un. En tout cas, si oui, il n’est pas comme le nôtre, celui des humains. Mais je pense surtout que Kali, c’est un peu le nombril du monde, de mon monde.