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12 mars 2016

l'autruche

"Bienheureux, les simples d'esprit."

En sortant de l’immeuble, en me dirigeant vers la rue où se trouve mon garage, j'aperçus un drôle d'oiseau femelle. Sans aucun doute. Avec une ribambelle de nœuds blancs dans les cheveux roux, relevés en une espèce de chignon informel. La dame marchait normalement, quand, au moment de passer devant une boutique qui, lorsqu'elle est fermée, nous renvoie notre image comme un miroir géant, elle s'est arrêtée devant pour remettre ses cheveux le plus ou le moins d'aplomb possible et sa mini-jupe en phase avec ses collants, ou l'inverse.

Je me suis cru inopportun, comme si j'étais chez elle et que je la voyais alors que je n'aurais sans doute pas dû. Question de convenances. En tout cas, elle, elle n'était pas gênée le moins du monde ainsi offerte à tous les regards amusés des couche-tard et du lève-tôt qui passaient pas là. Je la dépassai en la gratifiant d'un sourire et d'un bonjour, sans rien attendre en retour, juste pour la remercier d'avoir rendu ce moment, l'heure de partir au boulot, un peu moins sinistre.

J’eus à peine fait quelques pas de plus qu’elle me héla, fortement. Je me suis cru obligé de me retourner et de regarder dans tous les sens pour savoir si elle ne parlait pas à quelqu’un d’autre. Non, c’était bien à moi que s’adressait cette voix féminine, un peu chargée, portant haut et loin, troublant ce calme matinal : « Bonjour, monsieur. Vous savez pas ? J'ai un mec ! Eh bien, ça fait un mois qu'on sort ensemble ! »

C'était bien l'autruche de tout à l'heure qui s’adressait à moi. Je ne l’avais jamais vue auparavant et j’étais sûr que nous ne nous connaissions absolument pas. Un physique aussi fatigué et une allure aussi excentrique sont une combinaison qu’on ne peut publier.  Quel hasard a fait que nous nous croisions là, ce matin, quelle concordance de temps ?

Pendant que je pensais à tout ça, elle, elle y allait de sa tchatche : « Et il m'a même offert un rubis ! » tout en s’approchant de moi pour me montrer son doigt orné d'une grosse bagouse turgescente. « Moi, je lui ai fait avoir un blouson, un beau blouson en cuir pour 1 000 balles. Ouais, dans une friperie, ouais, exactement ! »

Et elle entra dans des détails sur sa vie, aussi haute en couleurs et péripéties anecdotiques inintéressantes que son look était travaillé, enrubanné, maquillé, limite travesti. J’ai failli hésiter : entre me retenir de rire et prendre mes jambes à mon cou. J’étais partagé : j’aurais aimé filmer cette scène ahurissante, complètement décalée. Comme une scène de film : la simplette en goguette. Naturelle et surtout, drôle. Drôle quand même. Malgré un côté évidemment pathétique.

Je la laissai poursuivre son monologue d'actrice (elle en était aux antibiotiques qu'elle prenait matin, midi et soir contre les boutons sur la figure), quand je décidai de reprendre mon petit bonhomme de chemin et ne pas oublier que nous étions samedi matin. Encore quelques heures de boulot avant d’être en week-end. Finalement, je suis reparti après l’avoir gratifiée d’une bonne journée et je me suis senti le cœur plus léger pour aller travailler.  

Ça tient vraiment à peu de choses. Une rencontre du troisième type. Sans aucune crainte. 

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