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23 juillet 2015

le châtiment

Le temps ne passe vraiment pas vite, ici. J’en oublie même la notion des heures et des jours et des nuits, tous pareils au même, tous identiques. Je n’ai aucun repère pour savoir depuis quand je suis enfermé dans cette chambre capitonnée, matelassée, insonorisée, terriblement hermétique et désespérément neutre. Tout est fait, ici, pour que celui qui y vive perde tous ses repères. Un peu comme un lavage de cerveau, une lessive d’identité. Un essorage d’ego.

Je ne sais plus quand c’est le jour ni quand c’est la nuit. Ce dont je me souviens, à peu près, c’est que dans les premiers temps de mon séjour ici, juste après mon arrivée, j’étais tout le temps allongé, ligoté dans mon lit. Avec cette espèce de camisole de force, sournoise mais convaincante de ne pas pouvoir remuer même un doigt. Peut-être en était-ce une, mais certainement une très perfectionnée. On me nourrissait et on m’abreuvait sous forme de perfusion. Je dormais beaucoup. Je n’avais pas le choix. On devait me laver pendant que je dormais. Je n’ai jamais vu quiconque pendant les courts instants où j’étais vaguement conscient.

Puis, depuis quelques jours (ou quelques semaines ?), j’ai le droit de me lever, tout le temps. Ou presque. Mais je me demande si ce ne serait pas mieux qu’on m’oblige à rester couché. À être abandonné dans mon inconscient, celui qui leur appartient, mon inconscient devenu collectif. Parce que je continue de ne voir personne, jamais. Je ne peux toujours rien faire. Ne jamais parler. Jamais entendre une voix ni même le chant d’un oiseau. Il n’y a pas de fenêtre, ici. Même la porte semble fondue dans les murs. Ces murs d’un blanc grisâtre, impersonnels au possible.

Comme mon lit. Ma couche. Ce lit métallique, sans forme réelle, aux draps assortis. Une simple veilleuse diffusant une lumière pâle, tantôt allumée, tantôt éteinte, plus souvent éteinte, me semble-t-il, mais je n’en suis pas vraiment certain. En tout cas, les cycles d’allumage ne correspondent à rien. Si ce n’est à contribuer à me vider de tout. À me déstabiliser.

Ce qui m’étonne, c’est que je continue de dormir beaucoup. On doit me droguer. Et d’ailleurs, autre chose surprenante : je ne vais jamais faire mes besoins, je ne vais jamais me laver, d’ailleurs, où le ferais-je ? Il n’y a pas de cabinet de toilette, ici. Je n’ai jamais envie de faire pipi, caca non plus. Et je ne sens pas mauvais. Je ne sens rien, je sens le neutre. Tout comme cette espèce de chemise de nuit informe, raccord avec le reste gris de la pièce, qui ne semble pas sale non plus. On doit s’occuper de mon hygiène intime pendant que je dors. Quand je n’ai plus aucune pudeur ni amour-propre.

Il n’empêche qu’à deux ou trois reprises, je ne m’en souviens plus précisément, j’étais entre le sommeil et la mort vivante, j’ai quand même cru apercevoir une silhouette au pied de mon lit. Je n’ai jamais eu la force d’ouvrir totalement les yeux. Sans doute une espèce de peur sourde. Mais ça me travaille tellement que je vais essayer de rester conscient tout en gardant les yeux clos, aujourd’hui. Peut-être que si je les ouvre imperceptiblement, peut-être qu’il sera là. Peut-être. Peut-être pas. Allez, il faut que je dépasse tout ce qui m’anéantit et que je regarde. D’autant que je sens comme une présence. Allez, à trois, j’ouvre un œil. Un… Deux… Trois… Aaaaaaaaaaaaah ! 

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