serial gourmand
Certains de celles et ceux qui viennent lire mes billets le savent, ils sont peu nombreux mais ils ont cette chance extraordinaire de le savoir, je m’essaie un peu à la magie après m’être essayé au pastiche d’artistes connus. À défaut de l’être moi-même, je singe ceux qui sont en pleine lumière et j’en récupère quelques rayons au passage. Faut bien ça pour nourrir les feux de la rampe. Et donc, là, je viens de m’essayer au transformisme. Parce que c’était nécessaire et urgent. Parce qu’il le fallait. Ni plus, ni moins.
Je vous explique. En quittant le tram devant chez Auchan, à Mériadeck, où je me rendais pour faire quelques achats alimentaires afin de ne pas mourir d’inanition pendant le week-end à venir, en quittant le tram, donc, qui vois-je ? Un jeune mec qui donne des trucs aux passants qui passent et aux chalands qui chalent. Comme je suis curieux, je m’arrête et j’observe pour savoir ce qu’il donne aux autres mais pas encore à moi. Et je vois une espèce ce tube plus gros qu’un déodorant pour les dessous de bras, avec des dessins de trucs en chocolat sur un fond à dominante rouge.
Je n’ai pas besoin de faire la manche, il est venu de lui-même vers moi pour me tendre l’objet du désir de la plupart des gens qui étaient là. Je le prends, ainsi que le prospectus publicitaire qui va avec. Et je continue ma route en étudiant le produit : bouchées glacées à la vanille enrobées de chocolat et d’amandes ou de noisettes (j’ai déjà oublié), 18 pièces par boîtes, à consommer seul ou à partager. Que nenni, c’est à moi qui l’a donné, le truc, alors, je le garde rien que pour moi, comme une relique. J’ai tendance à pas mal reliquer.
Et je me dis que s’il m’en a donné un, pourquoi pas deux. Mais il semble évident que vu le peu de monde ici à cette heure-là, il va s’en souvenir d’autant que j’ai le premier dans la main car je ne veux pas le mettre dans mon sac, il risquerait de couler. Alors, ni une, ni deux, je décide de me transformer en belle blonde en robe blanche, décolletée, la poitrine offerte en open bar et happy hours et du haut de mes sandales compensées avec les lanières, je me fais offrir une seconde boîte de douceurs glacées. Le tour est joué, il n’y a vu que du feu pour que j’aie mes glaçons.
Et si ça a marché une fois, ça peut marcher une seconde fois. D’un simple claquement de doigt, me voici en train de m’avancer vers lui, l’air pieux, en soutane beige parce que je suis devenu un bénédictin. Et, confusément, je fais celui qui va refuser en acceptant rapidement le présent car il ne faut pas offenser celui qui donne en le repoussant et en plus, ce serait pêché de gourmandise que de manger tout ça mais à quoi ça sert de se confesser si on n’a jamais rien à se reprocher.
Et comme on dit, jamais deux sans trois, je me transforme en peintre en bâtiment, ça me fait drôle de me retrouver avec plein de poils partout jusque sur les bras parce que je n’ai pas l’habitude et parce que, allez savoir pourquoi, pour moi, les ouvriers sont forcément des mecs poilus et je me fais refourguer un quatrième étui à grignotage. Je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin. Je me métamorphose immédiatement en petit loulou de banlieue, l’air niais avec mon téléphone avec la musique à fond la caisse. Je prends le tube de chocolats et je le bouffe entièrement sans perdre de temps et sans dire merci, tout en jetant l’emballage sur le quai du tram et je continue de marcher de ma démarche chaloupée tout en haussant les épaules.
Comme je commence à ne plus savoir où les mettre, mes glaces gratuites, je décide de m’arrêter là et je vais faire mes courses chez Auchan après m’être transformé en ce en quoi j’ai toujours été le meilleur : en moi-même. Et moi, très honnêtement, à la caisse, je pose mes achats sur le tapis, ainsi que mes six boîtes cadeau et avant que je ne prenne le temps de dire ouf, la caissière les scanne et me les compte. Comment justifier que je ne les ai pas pris dans le magasin ? En plus, je déteste le chocolat. Alors, je décide un dernier tour de transformisme, je me change en courant d’air et je prends la fuite comme un robinet qui goutte.