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2 juin 2015

le tour de la table

Je peux comprendre comment les chiens d’appartement en sont réduits à faire cent fois par jour le tour de la table, histoire de s’occuper pour ne pas en être réduit à devenir indissociable du premier tapis venu tant ils se confondent avec. Pour moi, plus qu’une question de tapis, ce serait plutôt un problème de canapé. Le premier canapé venu qui me tend les bras, je suis capable de tomber dans ses bras même s’il n’a pas d’accoudoir. Je suis un mec facile, il faut que je m’y fasse. Que je me fasse à cette idée. Je n’y peux plus rien, désormais. Je suis né et je mourrai ainsi. Facilement.

Je peux comprendre les chiens qui se mettent à la fenêtre dix, vingt, trente fois par jour, quand leur taille le leur permet. C’est aussi un peu ce qui m’arrive et j’ai de la chance, dans ma petite hauteur, d’être malgré tout à celle adéquate pour pouvoir suivre un peu ce qui se passe dans la rue, éventuellement dans les immeubles d’en face et voir qui entre et qui sort des trams qui arrivent en station et qui en partent. Je suis là, à regarder sauf que moi, rien ne m’excite au point de remuer la queue ni d’aboyer. Je suis un toutou bien élevé. Mieux que ce qu’on pourrait croire, a priori.

Je me contente de me dire qu’ils ont de la chance, celles et ceux à qui on n’a pas interdit de sortir. Même pour aller travailler. Ou ne serait-ce que pour baguenauder dans les rues, pour lécher les vitrines déjà multi-léchées, pour arpenter les rues du centre-ville comme si c’était la seule alternative possible pour prendre l’air. Je les envie alors que je n’aime pas ça, aller rue Ste Catherine sans but précis. Fendre la foule dans le sens inverse (je ne suis jamais dans le même sens qu’elle, c’est mon côté rebelle) ou essayer de dépasser ceux qui marchant en prenant toute la largeur de la rue.

Non, moi, je vis comme un reclus depuis jeudi soir dernier. Je suis un peu comme en prison. Comme en détention provisoire sans qu’on ait tenu compte de la présomption d’innocence à laquelle j’aurais pourtant droit. On m’a enfermé dans ce quartier d’isolement qu’est l’appartement tour d’ivoire qui est le mien. Comme si j’étais un beau au bois dormant attendant qu’un prince vienne me réveiller sur son cheval zélé mais blanc (ou l’inverse : blanc mais zélé.) Sauf que moi, je ne suis pas en train de dormir. Je suis juste en convalescence et je compte les moutons qui me séparent de la libération.

Alors, je vais du canapé au fauteuil de l’ordinateur mais ça ne me suffit pas. Alors, je fais le tour de la table quand je suis au téléphone. Cinq fois, dix fois, cent fois… ça dépend de la longueur de la conversation avec mon interlocuteur. Et je laisse sans doute des traces de pas sur le tapis, toujours aux mêmes endroits. Et je retourne sur le canapé. Et je reviens devant l’ordinateur. Et j’envisage d’aller m’allonger sur le lit mais ça, finalement, je ne m’y résous jamais. Alors, je vais à la fenêtre et je regarde les gens passer. Et je me retiens d’aboyer. Parce que parfois, j’ai envie de crier. Oui, aussi. 

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