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14 mars 2015

le premier à partir

J’ai trois images de lui qui me reviennent spontanément en mémoire, là, maintenant qu’il vient de partir. Maintenant qu’il a fermé la porte et maintenant qu’il a laissé les siens, comme ça, sans un mot, sans un au-revoir, sans un signe de la main. J’ai d’abord cette image de lui, quand j’étais petit et qu’il était celui de tous qui me faisait le plus peur. C’est peut-être un mot un peu fort « peur », mais c’est sûr qu’il m’impressionnait. De par sa carrure, sa grosse voix et le fait qu’il me faisait penser à un ogre. Et quand elles me disaient qu’elles le craignaient, qu’elles craignaient qu’il ne les fâche (chez moi, on disait gronder, pas fâcher), je les comprenais à demi-mots. Et je m’en souviens comme si c’était hier.

C’était hier. Oui, c’est même hier que ça s’est passé. Que tout d’un coup, il a disparu comme si un coup de vent l’avait balayé de son jardin comme une feuille morte. C’est hier alors que bon, qui aurait pu le prévoir. Personne ne peut jamais rien prévoir. Sinon, ça se saurait. Et la deuxième image de lui, chronologiquement, c’est celle de quand il est venu chez moi, à Bordeaux, il y a quelques années et que je l’ai reçu à ma table. Et qu’il a été très gentil, à l’opposé du souvenir que j’avais de lui, enfant. Je ne l’avais pas vu pendant des années et là, chez moi, il a été adorable. Et il a tenu à nous offrir un maillet pour casser les noix. Parce qu’il était comme ça, un homme du bois, un homme pratique, un homme de bon sens.

Il aura donc été le premier à partir. De ce côté-là, du moins. Et si ça n’a pas été totalement surprenant, il n’en reste pas moins qu’il a coupé l’herbe sous le pied de tout le monde ou presque. Et il est parti en faisant nettement moins de bruit qu’il n’a pu en faire toute sa vie. Et là, je le revois, ce samedi de novembre 2013, alors que nous étions réunis pour leurs 80 ans à tous les deux, que nous étions heureux de voir tout le monde ensemble, debout et qu’il a fait preuve d’une émotion dont je ne l’aurais jamais soupçonné si je n’avais été là, moi aussi, ce jour-là. Quelques larmes prêtes à sortir de ces yeux que je n’avais jamais bien vus. Le colosse a montré ses pieds d’argile et le patriarche a perdu sa carapace. 

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P
Partir sans faire de bruit et laisser au cœur de ceux qui restent beaucoup de tendresse, voilà une belle façon de tirer sa révérence.<br /> <br /> Je te souhaite du courage pour affronter cette épreuve.
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