baston du matin, chagrin
Il y a des matins où ça commence plutôt mieux que d’autres mais comme il se pourrait qu’on n’ait pas droit au bien-être intégral (attention, je n’ai pas parlé de bonheur mais juste de bien-être), très rapidement, les événements, la vie, notre environnement nous rappelle à l’ordre et remet les choses en place : un peu de soucis, du stress et de la tension difficile à maîtriser ou à contourner. Impossible de faire comme si de rien n’était. On a marché dedans et ça reste collé au mental. Il faut faire avec. La journée ne sera pas aussi bonne que ce qu’on avait pu croire, espérer, quand on a mis un pied par terre et qu’on n’avait mal ni aux cervicales, ni au ventre, ni à l’âme, ni à la motivation et ni à la tête, alouette.
Pourtant, ce matin, je devais commencer de lire un nouveau roman. Un petit, un court parce que nous sommes vendredi, parce que demain, samedi, je viens travailler en voiture et comme je ne sais pas lire en conduisant… et parce que, on ne sait jamais, si je n’ai pas le temps de le reprendre d’ici mardi matin prochain, la prochaine fois que je prendrai le tram pour venir travailler, j’aurai peut-être peu ou prou oublié ce que j’aurais lu aujourd’hui. Désolé si cette phrase est alambiquée mais ma vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille non plus. Et donc, pourtant, ce matin, j’ai commencé un petit livre, un livre court et je pense même que je l’aurai terminé tout à l’heure, en débauchant, dans le tram du retour à la maison.
Pourtant, ce matin, je venais travailler avec la fleur au fusil. Ou presque. Parce que je n’avais pas de fleur avec moi. Mais parce que le vendredi, je sais que c’est une grosse journée mais avec un peu de chance, elle peut se dérouler parfois bien mieux que les moyennes ou les petites. J’avais confiance. Et en plus, j’avais le plaisir de penser que peut-être, cet après-midi, après le travail, j’allais récupérer mon PC. Peut-être. Enfin. Peut-être même avec toutes mes données. Et ça me rassurait de le croire. Sauf que j’ai ressenti mon mal au talon droit, comme hier. Allais-je devenir un Achille aux pieds d’agile ? Tant que ça ne m’empêcherait pas d’aller travailler, tout serait parfait dans le meilleur des mondes imparfaits.
Et pourtant, pourtant, je n’aime que toi et pourtant, pourtant… Et pourtant, le premier tram semblait annoncé sans retard. Tant mieux. Et donc, je suis descendu sur le quai de la station pour l’attendre. Il me restait moins de cinq minutes à patienter dans le petit matin encore bien endormi. Anormalement endormi. Sauf qu’à un moment, en provenance de la rue du Pas St Georges, une cavalcade d’une bonne douzaine de mecs a déboulé sur le cours d’Alsace et Lorraine et j’ai d’abord cru à des fêtards noctambules qui s’amusaient à se courir après. Pas après le tram qui n’était toujours pas en vue. Mais non. Une moitié d’entre eux courait après l’autre moitié et en particulier après un mec vêtu d’un sweet-shirt rose. Et quand il s’est fait attraper, il s’est fait castagner.
Je n’en croyais pas mes yeux et donc je les ai fermés pour que, mentalement, je m’interpose entre eux, baraqué virtuellement comme Kiki, ici, au bureau ou comme Teddy Riner, histoire de les faire se calmer immédiatement de quelques coups de boule bien sentis. Mais non, quand je les ai rouverts, mes yeux, c’était juste pour constater que le centre de leur monde continuait de prendre quelques coups, à terre. Finalement, certains des deux côté se sont interposés et ont calmé le jeu et chaque bande est repartie de son côté sans quelques injures et promesses de vengeance crachées à la gueule des uns les autres. Ça m’a sidéré. Et je me suis mis à devenir triste car je suis une véritable éponge à stress et j’ai pensé que ça allait être de plus en plus souvent comme ça, dorénavant.