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C'est écrit
27 février 2014

l'étournotte

Un jour, c’est sûr, il perdra le sens de tout, c’est fatal. Peut-être même le sens de la vie. Ce n’est pas de sa faute, il faut le savoir, il a la tête en l’air et les pieds dans les nuages. Il est ainsi fait, ainsi soit-il, c’est un artiste. C’est un poète de l’image, un peintre qui n’a cure des contingences matérielles et ne se nourrit que de spiritualité et d’intellectualité mais aussi parfois aussi un peu, beaucoup de chocolat, de biscuits sur lesquels il étale de la confiture et de petits choux à la crème de marron sauf que la crème de marron, c’est trop riche, il n’y en a jamais chez lui, donc, il n’en mange jamais, des choux à la crème de marron, ce n’est pas bon pour la santé.

Régulièrement, il perd ses clés, il oublie les clés de sa maison. Surtout quand il va dans les bois et qu’il prend alors la clé des champs. Ou celles des forêts. Dieu reconnaîtra les chiens, ainsi soient-ils, et lui, il les laisse. Il laisse. Il perd même leur laisse. Il les laisse gambader dans les sous-bois avec la même liberté que dans sa propre tête, que celle qu’il s’inflige à lui-même. Et quand il perd la laisse des chiens, il sait exactement où c’était, c’était quand il les a pris en photo. Mais c’était où ? Là où je les ai pris en photo. Mais c’était où, exactement ? Je ne sais plus. Mais je saurai y retourner, il suffit de regarder la photo que j’ai prise.

De temps en temps, il se trompe de clés. Il prend la clé des villes alors qu’il est sûr d’avoir pris celle des champs. Et il part comme s’il fuyait une réalité qui ne l’intéressait mais il se trompe, encore une fois et au lieu de prendre la poudre d’escampette, il prend la poudre de perlimpinpin. Cependant, s’il y a un jeu de clés qu’il n’oublie ni ne perd jamais, c’est la clé de sol car pour la musique, il est globalement très bien organisé, très carré dans sa tête même si elle est ailleurs, dans les étoiles, hosanna, au plus haut des cieux. Ainsi soit-il, jamais il ne perd la clé des chants. Surtout quand il s’agit opéra ou de jazz. Dans sa tête, quand elle est là, il bat la démesure.

Bien souvent, parce qu’il pense à autre chose, à d’autres choses que celles auxquelles nous pensons, nous autres, bien souvent, il perd la notion du temps. Peut-être que même avec une montre au poignet, cela n’y changerait rien. Quelle heure est-il ? Ainsi soit-il. De toute façon, l’heure, ça n’a pas d’importance pour lui, ça change tout le temps et il n’y a que pour le cinéma qu’il est bon de ne pas arriver plus de cinq minutes après le début du film, que pour certaines émissions de télévision qu’il faut être à l’heure, sinon, ça ne sert à rien. Et pour les cours de gym, aussi, où là, il se dépense à perdre haleine.  Mais tout va bien, tant qu’il n’oublie pas de respirer.

Même à la pétanque, il serait encore capable de perdre la boule et encore, on ne parle pas du cochonnet.  De toute façon, ça ne l’intéresse pas plus que ça, de gagner. Ce n’est pas un mauvais perdant, c’est même un bon perdant. Un perdant. Un oublieux de tout à qui ça ne sert à rien de ressasser les histoires des guerres passées, pour lui, le devoir de mémoire, c’est une abstraction totale. Juste le devoir de l’oubli. Mais ce n’est pas grave. C’est nous, autour de lui, qui pensons qu’il perd tout et qu’il ne pense à rien. Lui, il pense à ce qui est important à ses yeux. Il se rappelle de son essentiel. Et c’est ça qui compte. Ainsi soit-il

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Commentaires
C
J'aime beaucoup ce personnage et ce mélange si séduisant de sourire et de profondeur dans ce portrait.
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P
Il est bien sympathique, cet étourneau....
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