le marin à l'accordéon
Il m’a bien plu, ce marin avec son accordéon. Qui a croisé mon regard alors que je badaudais et c’est plus son allure que j’ai aimée que la musique qu’il pouvait jouer car je n’ai rien entendu, il devait faire une pause. Prendre la pose pour un début d’éternité.
Rien à voir avec ces autres gens dont j’ai pu entrevoir la réunion à travers une fenêtre ouverte. J’ai joué les voyeurs mais quelque chose m’a interdit devant cette vision austère. D’un autre temps. Les héritiers chez le notaire. Comme dans un roman de Balzac ou de Zola
Et cet homme qui m’a regardé passer, qui m’a suivi des yeux. L’homme avec la main sur le cœur. Son visage m’est apparu comme si je l’avais déjà vu quelque part. Mais je n’ai pas osé lui demander car ça ne se fait pas. Du moins, pas là où nous nous étions.
Madame Dequis était encore là, étonnamment belle et moderne. Comme l’homme à la main sur le cœur, j’ai trouvé qu’elle était d’une surprenante contemporanéité. Comme si elle faisait partie d’une photo et non d’un tableau accroché dans un musée.
Quand à Phèdre et Hippolyte, c’est surtout cette femme, qui tient un poignard à longue lame, qui m’a parlé sans dire un mot. Sa coiffure très moderne, son regard halluciné, tous les questionnements dans l’expression de son visage instantané.
Mais celui qui m’a le plus impressionné, je ne sais rien de lui. Je ne connais pas son nom, je sais où il est mais qui est-il, que fait-il ? C’est un homme dont on aurait pu penser qu’il a été pris en photo au moment où Brutus a prêté serment. Un homme de l’arrière-plan. Mais je n’ai vu que lui.
André Lhote (le marin à l’accordéon), Eugène Bulland (les héritiers), Frans Hals (l’homme à la main sur le cœur), Joachim Sorolla y Bastida (Madame Dequis) et Pierre Narcisse Guérin (Phèdre et Hippolyte) et Édouard Cabane (le serment de Brutus) sont exposés au musée des Beaux-Arts de Bordeaux et sont ceux qui ont su m’interpellé alors que je visitais les salles. Je voulais m’en souvenir précisément. Et le partager avec vous.