une seconde trop tard

Y a rien de plus embêtant, quand on est pressé, que de rater son bus, son tram ou son train. D’abord parce que, à contrario de l’avion, à cause de qui on doit passer dans plein de sas et autres endroits pour s’enregistrer et tout le toutim. Alors que pour les trois autres moyens de transport, on est capable d’arriver sur un quai ou à un arrêt alors même que celui qu’on voulait prendre nous passe sous le nez. Et même si on n’est généralement pas parano, on se demande toujours, l’espace d’un doute, si le conducteur ou le chauffeur ne l’a pas fait exprès.

Et c’est embêtant, tout ça mais ce n’est pas seulement embêtant. C’est aussi énervant et ça met dans une situation très souvent ridicule. J’en veux pour preuve la grimace, le rictus qu’on fait, que font les autres, parce que pas moi, évidemment, quand on se retrouve devant la porte qui ne veut plus s’ouvrir, devant le bus qu’on ne rattrapera jamais alors qu’on lui court après et qu’il s’en est fallu d’une seconde, une seule seconde pour que tout cela soit foutu.

Rien que tout à l’heure, tiens, une dame, ménagère de cinquante ans passés, avec plusieurs cabas, elle a eu beau marcher vite (elle aurait pu courir, aussi, mais elle ne l’a pas fait – la ménopause un peu encombrante, sans doute), elle s’est retrouvée à vouloir appuyer sur le bouton d’ouverture de la porte au moment où le traminot (qui l’a peut-être fait exprès, sûrement, même – allez savoir si c’est pas sa voisine qui marche toujours en talons sur son carrelage, au-dessus ou encore, sa belle-mère avec qui les relations sont un peu tendues, mais pas au sens sexuel du terme…) a redémarré.

Je vous le donne en mille, elle a voulu faire un sourire mêlé à une grimace. Comme pour nous faire croire que ça ne faisait rien, elle prendrait le prochain, mais ça ne faisait pas rien, sinon, elle n’aurait que souri alors qu’on l’a bien vu, ce rictus déformant qui signifie qu’elle n’était pas contente du tout. Tout en espérant que personne n’aurait remarqué sa mésaventure.

Or, il y a eu au moins dix ou douze paires d’yeux pour la remarquer. Abandonnée comme une pauvre fille sur le quai avec ses cabas et son fardeau de ménopausée. Donc, si elle a cru passer inaperçu, c’est raté. Et j’en connais un qui pourra ajouter un nouveau petit bâton à sa collection. Celle où tous les cinq bâtons, il les raye horizontalement pour faire comme un petit fagot. Et tous les vingt fagots, il compte 100 et ça vaut 100 points. Et avec ses collègues traminots ou cheminots ou conducteurs de bus, ce que vous ne savez pas, c’est qu’ils font un concours pour savoir celui qui aura démarré sous le nez du plus grand nombre de personnes par jour ou par semaine. Et ça, on ne vous le dit nulle part ailleurs qu’ici, mais ici, c’est normal, c’est écrit.